Getir pourrait acheter des gorilles : Qu’est-ce qui le justifie ?

Des rumeurs selon lesquelles Gorillas chercherait un acheteur circulent depuis longtemps. Les discussions avec le pionnier du marché turc Getir semblent maintenant se concrétiser pour la première fois. C’est pourquoi la transaction serait logique.

Depuis quelques mois déjà, le patron de Gorillas, Kagan Sümer, cherche à nouveau de l’argent. Le CEO a besoin de centaines de millions d’euros pour maintenir l’activité de son service de livraison rapide. Mais l’environnement de marché s’est fortement détérioré et Sümer n’a pas encore réussi à convaincre de nouveaux investisseurs d’entrer au capital. C’est pourquoi Gorillas étudie depuis longtemps la possibilité d’une vente et s’est entretenu avec plusieurs acteurs à cet effet. Les négociations avec le concurrent Getir se seraient pour la première fois concrétisées.

Bloomberg a rapporté lundi que les discussions entre la Licorne berlinoise et son homologue turque étaient « avancées ». Les initiés auxquels l’agence de presse se réfère affirment toutefois aussi que l’affaire n’est pas encore décidée et pourrait encore échouer. Getir paierait le montant de l’achat en espèces et sous forme d’actions. Le Financial Times parle quant à lui d’environ 100 millions d’euros en espèces et de 12 pour cent de la société commune qui pourrait être créée par Gorillas et Getir.

Le rachat de Gorillas permettrait à Getir de mieux se positionner en Allemagne

Gorillas a été valorisé à plus de deux milliards d’euros lors de son dernier tour de financement il y a un an. Getir vaut actuellement dix milliards d’euros. Dans le courant de l’été, des sources proches de l’entreprise ont déjà laissé entendre que d’éventuels bailleurs de fonds ou acheteurs accepteraient une transaction à une valorisation bien inférieure. Selon le Handelsblatt, la reprise par Getir valoriserait la licorne berlinoise à moins d’un milliard d’euros. Ce ne serait même pas la somme que les investisseurs ont injectée dans l’entreprise tech au cours de deux bonnes années dans le cadre de tours de financement. Selon la date et les conditions auxquelles les actionnaires sont entrés au capital, beaucoup d’entre eux sortiraient sans doute avec un solde négatif de cet investissement autrefois prometteur.

Getir a indiqué à Reuters qu’il ne voulait « ni confirmer ni infirmer » le rapport de Bloomberg. Interrogé par Gründerszene, Gorillas ne souhaite pas non plus faire de commentaires. Le service de livraison ne l’a pas non plus fait pour d’autres spéculations : début septembre, on entendait encore dans le milieu de la branche que Flink et Gorillas étaient en train de négocier une vente. Mais le possible accord avec Getir semble désormais plus concret que les options précédentes. D’une part, le montant concret de l’achat, qui a déjà circulé, en témoigne. Mais la reprise par Getir a également plus de sens pour d’autres raisons.

Le rachat de Gorillas aiderait l’entreprise turque Unicorn à développer sa présence en Allemagne. Le CEO de Getir, Nazım Salur, a fondé le service de livraison rapide en 2015 et s’est étendu à l’Allemagne l’été dernier. Actuellement, les coursiers aux sacs à dos violets circulent à Berlin, Dortmund, Düsseldorf, Hambourg, Cologne, Munich et Nuremberg. Mais à côté des leaders Flink et Gorillas, Getir n’a jamais vraiment réussi à s’implanter en Allemagne, malgré des actions de rabais brutales. Getir attire régulièrement les clients avec des produits gratuits ou offre une réduction de 20 euros pour un achat de plus de 25 euros – aussi bien pour les nouveaux clients que pour les clients existants.

La marque Gorillas serait-elle maintenue ?

L’achat de Gorillas permettrait donc à Getir de s’affirmer dans ce pays face à Flink et à d’autres acteurs. Ce rachat lui permettrait également d’être plus présent sur d’autres sites européens. Il est vrai que Gorillas s’est séparé de certains marchés et de plus de 1.000 employés en raison de difficultés de financement au cours des mois précédents. En Grande-Bretagne, en France, aux Pays-Bas et en Espagne, le CEO Kagan Sümer continue d’entretenir des zones de livraison. À Copenhague, Gorillas n’est plus qu’actionnaire et fournisseur de la marque pour le service de livraison. Getir est également actif dans tous les pays, à l’exception du Danemark, mais l’opération pourrait lui permettre d’élargir sa clientèle, ses chauffeurs-livreurs et ses entrepôts.

La question serait de savoir si Getir continuerait à livrer sur les différents marchés sous sa propre marque ou sous le nom de Gorillas, qui a déjà acquis une forte notoriété en Allemagne et en Europe. Celle-ci a toutefois aussi souffert par endroits, compte tenu des grèves de chauffeurs de l’été dernier. Le service de livraison américain Doordash, par exemple, a renforcé son expansion en Europe en rachetant Wolt il y a un an, tout en conservant le nom de marque fort Wolt et l’application.

Mais Gorillas n’en est pas encore là. La banque d’investissement J.P. Morgan, que le fondateur Sümer avait initialement mandatée pour trouver des acheteurs, se serait retirée il y a plusieurs semaines déjà, selon les médias. Aux dernières nouvelles, le CEO ne souhaitait pas lever 630 millions d’euros de capital comme prévu à l’origine, mais environ 250 millions d’euros auprès de ses investisseurs existants. Sans résultat jusqu’à présent.

Getir est en meilleure position financière que tous ses concurrents européens. L’entreprise a levé 700 millions d’euros de capital-risque en mars dernier. Derrière la start-up se trouvent des VCs financièrement solides comme Mubadala Capital, le fonds souverain d’Abu Dhabi, Tiger Global et également Sequoia. En Turquie, le marché principal du service de livraison, la startup est déjà rentable, a déclaré le CEO Nazım Salur dans une interview accordée à Sifted. Pourtant, même le précurseur n’a pas échappé aux mesures d’économie cette année : le turc Decacorn a également licencié 14 pour cent de son personnel mondial au printemps, soit plus de 4.000 personnes.

Pour Getir, Gorillas serait une opération coûteuse, même avec une valorisation deux fois moins élevée que celle du dernier tour de financement. Un argument qui plaide contre l’opération. Le fait de régler l’achat en partie avec ses propres actions devrait toutefois rendre les propriétaires de Gorillas positifs. En effet, en tant que précurseur du secteur, Getir a de bien meilleures chances de survie que l’enfant à problèmes Gorillas.