Ramzan Kadyrov : ce que sa promotion signifie pour la guerre en Ukraine

Guerre en Ukraine
Poutine ordonne le « limier » Kadyrov – ce que cela signifie

Depuis des semaines, la Russie est militairement sur la défensive en Ukraine. Le président Vladimir Poutine promeut désormais Ramzan Kadyrov, le dirigeant de la république de Tchétchénie. Ce qui, selon les analystes, se cache derrière cette décision.

Face aux revers militaires de la Russie, Vladimir Poutine a promu mercredi Ramzan Kadyrov, le dirigeant autoritaire de la république de Tchétchénie, au rang de colonel général. Le décret de sa nomination a déjà été publié, il est « incroyablement reconnaissant » à Poutine pour sa « grande estime », a écrit Kadyrov mercredi sur le service en ligne Telegram. Le colonel-général est le troisième plus haut grade des forces armées russes, derrière le maréchal et le général d’armée.

L’absence de scrupules de Kadyrov, surnommé le « limier de Poutine », a encore été démontrée lundi dernier. Il a annoncé l’envoi de trois de ses fils mineurs à la guerre contre l’Ukraine. Les jeunes Achmat, Selimkhan et Adam, âgés de 14 à 16 ans, sont prêts à mettre en œuvre leurs compétences de combat dans le cadre d’une « opération militaire spéciale », a écrit Kadyrov lundi sur Telegram. En outre, face aux difficultés de l’armée russe, il avait exigé l’utilisation d' »armes nucléaires de faible puissance » contre l’Ukraine. Et Kadyrov avait vivement critiqué le colonel-général Alexandre Lapin et son rôle dans les combats pour la ville de Lyman, récemment perdue.

Kadyrov n’est pas seul dans ses critiques. Fin septembre, le blog militaire nationaliste russe « Rybar » avait écrit, face à la menace de reprise de Lyman par l’Ukraine : « Si des mesures décisives ne sont pas prises dans les 24 heures par le commandement militaire russe, le sort de Balakliya attend Lyman », avertissait « Rybar » vendredi dernier. Comme on le sait, la Russie n’a pas pu tenir Lyman et en a retiré ses troupes – selon la version officielle – début octobre.

La promotion de Kadyrov est « particulièrement remarquable dans le contexte de la récente controverse autour de Kadyrov et de sa critique directe du colonel-général Aleksander Lapin du District militaire central (CMD) », écrit le groupe de réflexion américain « Institute for the Study of War » (ISW). Poutine pourrait « avoir pris la décision, […] pour maintenir le soutien à Kadyrov et aux forces armées tchétchènes tout en faisant reculer le ministère russe de la Défense et le ministre de la Défense Sergueï Choïgou, dont Poutine semble se distancier rhétoriquement ».

Selon une analyse de l’ISW, Poutine ne parvient plus à équilibrer les revendications concurrentes des nationalistes russes, qui sont devenus de plus en plus combatifs depuis le début de la mobilisation – bien qu’ils partagent les objectifs généraux de guerre de Poutine en Ukraine. « Le nouveau rang de Kadyrov pourrait être le signe que Poutine est prêt à céder aux revendications plus radicales et bruyantes de la base des siloviki au détriment de l’establishment militaire conventionnel ». L’ISW désigne par « siloviki » les personnes disposant d’une base de pouvoir importante et de leurs propres forces armées – c’est-à-dire, outre Kadyrov, surtout Dmitri Valerievitch Utkin, chef du « groupe Wagner » et ses soutiens.

Sur le plan militaire, compte tenu des problèmes rencontrés lors de sa mobilisation partielle, Poutine pourrait tenter, avec la promotion de Kadyrov, de recruter davantage de soldats formés pour le front – désormais justement davantage en provenance de la Tchétchénie à dominante musulmane. Kadyrov, connu pour son style de commandement brutal, s’est distingué depuis l’invasion russe de l’Ukraine comme l’un des plus fervents partisans de la guerre. Il a également depuis longtemps la réputation de contourner les lois russes sans conséquences pour lui. Le dirigeant tchétchène est critiqué depuis des années par les organisations non gouvernementales internationales pour sa gestion du pouvoir, marquée par de graves violations des droits de l’homme.

Avant sa nomination actuelle au poste de colonel général, Kadyrov avait déjà été promu général à trois reprises, respectivement au sein des forces armées de l’intérieur, de la police et de la garde nationale de Tchétchénie.

Sources : DPA, AFP, « Institute for the Study of War » le 4.10.2022, « Institute for the Study of War » le 5.10.22″.