Iran : des manifestations en Allemagne – SZ.fr

Avin, 22 ans, est journaliste. Ses parents sont iraniens, sa famille vit en Allemagne. Avin s’engage sur Instagram et a écrit le texte « Femmes lions » pour maintenant, dans lequel elle décrit entre autres comment elle regarde les protestations en tant que femme iranienne de la diaspora.

« J’ai très peur de ne peut-être plus jamais revoir ma famille. Et cette peur me rattrape toujours. A un moment donné, je me dis que ce que je fais est juste. Et puis juste après : et si je ne pouvais vraiment plus jamais entrer dans le pays sans être emprisonné ?

Dans les conditions actuelles, nous – c’est-à-dire mes parents, ma sœur et moi – ne pouvons de toute façon pas entrer dans le pays, que je prenne position publiquement ou non. J’avais effectivement envisagé de m’envoler cette année pour rejoindre ma famille en Iran. Mais c’est beaucoup trop dangereux, c’est aussi écrit sur la page du ministère des Affaires étrangères. Je pèse donc le pour et le contre : Qu’est-ce qui apporte le plus à ma famille en Iran ? Si je leur rends visite tous les deux ou trois ans pendant quatre semaines, mais qu’ils continuent à vivre dans l’absence de liberté pendant les décennies à venir ? Ou si je les aide à renverser le régime pour qu’à l’avenir nous puissions à nouveau entrer en toute sécurité ?

Je suis très actif sur Instagram, je partage des vidéos et des appels. Lorsque j’ai rendu mon profil public, c’était un acte de pur désespoir. Je me suis dit : maintenant, je dois faire quelque chose, je ne peux plus faire autrement. À ce moment-là, les protestations avaient déjà dégénéré au point que des personnes ont été abattues en pleine rue, alors que les médias allemands n’en ont pratiquement pas parlé. Auparavant, j’ai caché ou supprimé certains contenus qui permettaient d’identifier mon lieu de résidence ou mes amis. En fait, je voulais seulement rendre le profil public pendant 24 heures. Finalement, je ne l’ai pas changé en privé depuis le début des protestations.

Il y a quelques jours, j’ai discuté avec une amie iranienne qui vit également en Allemagne et qui ne s’est pas encore exprimée sur les protestations. Je lui ai demandé pourquoi. Ce n’est pas dans ses habitudes de rester en retrait. Elle m’a répondu : Parce que j’ai peur. Je comprends tout à fait. Mais j’espère que pour chaque personne iranienne qui ne s’exprime pas, il y aura une personne non iranienne qui postera d’autant plus, ira à des manifestations, travaillera sur le sujet, pour compenser. Il est important que nous, les personnes concernées, nous nous exprimions. Mais il est encore plus important que des personnes qui ne prennent pas de risques personnels se solidarisent.

Mon premier post Instagram sur les protestations a été partagé par de nombreux grands profils, plus de 8000 personnes l’ont liké. Ce n’est qu’après que j’ai confronté mes parents au résultat. Mon père trouve que c’est une bonne chose que je m’engage. Il est prêt à ne pas pouvoir entrer dans le pays pour cela, et ce pour une durée indéterminée. Ma mère est très inquiète.

Je remarque clairement que mon travail est aussi vu en Iran, que je ne suis pas invisible. Après la publication du texte ‘Nous, les femmes lions’, une version traduite s’est rapidement retrouvée en Iran sur le site d’un blog d’opposition – avec mon nom complet bien sûr. Mon père m’a directement envoyé une photo et m’a écrit : Maintenant, nous ne pouvons certainement plus entrer dans le pays, mais ne t’inquiète pas. Bien sûr, cela me fait mal.

Cependant, je ne regrette pas d’avoir écrit ce texte sous mon nom de plume. Dans cet article, je voulais mettre en lumière une autre perspective et j’ai reçu beaucoup d’échos de personnes concernées qui vivent dans la diaspora. Beaucoup de gens se sentent vus à travers ce texte. Il est même lu dans une école. L’enseignante m’a dit qu’elle voulait montrer ce que vivent les personnes qui sont dans ma situation ou dans une situation similaire ».