Quelle est la position du centre sur les revendications de paix ?

Les partis du centre ont du mal à s’entendre avec les sceptiques de la livraison d’armes. Pourtant, la société allemande est divisée sur la manière de soutenir l’Ukraine. Les marges politiques veulent en profiter.

Une chose unit les participants à la soi-disant manifestation pour la paix qui s’est déroulée ce week-end à Berlin : ils veulent que la guerre prenne fin en Europe. Il faut se parler, dit une participante. La violence ne ferait que produire encore plus de violence. Comme cette manifestante, beaucoup des quelque 13.000 personnes qui ont répondu à l’appel de la politicienne de gauche Sahra Wagenknecht et de la publiciste Alice Schwarzer à la porte de Brandebourg devraient penser la même chose.

Torben Ostermann

Dans sa version d’un discours sur la paix, Alice Schwarzer dresse un tableau plutôt sombre de la situation. On ne peut pas vaincre cette puissance nucléaire, c’est-à-dire la Russie. Si l’on y croit, poursuit-elle, cela pourrait signifier la fin de notre monde. Ce sont des phrases comme celles-ci qui résonnent dans le public. Des personnes venues de toute l’Allemagne se sont rendues à Berlin pour manifester contre la politique du gouvernement fédéral. Il est frappant de constater que peu de jeunes sont présents.

Wagenknecht a reconnu le potentiel du scepticisme à l’égard des armes à feu

Seules des organisations politiques marginales, de gauche comme de droite, ont appelé à manifester. Pourtant, des millions d’Allemands sont sceptiques quant à la livraison d’armes en Ukraine. Bien plus que ceux qui se classeraient à gauche ou à l’AfD. Selon un récent rapport ARD-Deutschlandtrend 43 % des personnes interrogées se sont prononcées contre la livraison de chars de combat, et même près de 60 % à l’Est.

« Depuis quand l’appel à la paix est-il de droite ? », lance Sahra Wagenknecht au micro. Elle est probablement la femme de gauche la plus connue d’Allemagne. En même temps, elle est aussi la plus impopulaire dans ses propres rangs. Wagenknecht a reconnu le potentiel que recèle le scepticisme à l’égard des armes et l’utilise à son profit. Cela fonctionne notamment parce que les partis du centre ne peuvent pas faire grand chose avec les sceptiques. Le secrétaire général du FDP, Bijan Djir-Sarai, explique clairement que la Russie n’est actuellement pas intéressée par des négociations et qualifie les manifestants du week-end de naïfs.

« Wagenknecht a reconnu le potentiel que recèle le scepticisme à l’égard des armes ». Participants à une manifestation pour des négociations avec la Russie le 25 février à Berlin.

Image : dpa

Logique de la guerre et de la violence ?

La crainte d’une extension de la guerre n’est pas seulement présente à la périphérie politique. Le ministre-président CDU de Saxe, Michael Kretschmer, regrette le manque d’initiatives diplomatiques et dénonce ce qu’il appelle littéralement une « logique de guerre et de violence ».

Son collègue de parti Roderich Kiesewetter, spécialiste de la politique étrangère au sein du groupe parlementaire de l’Union, et critique explicite de l’initiative Schwarzer-Wagenknecht, s’exprime différemment. Kiesewetter met en garde contre le fait de ne plus soutenir l’Ukraine. Cette mesure pourrait encourager d’autres pays à agir de manière aussi agressive que la Russie. Quand il dit cela, il pense à l’Iran ou à la Chine en ce qui concerne Taïwan. C’est aussi pour cette raison qu’il a écrit une contre-lettre au manifeste de Wagenknecht. Il veut ainsi apporter sa contribution au débat et ne pas marginaliser davantage les sceptiques sur le plan politique.

Loin de n’être que des extrémistes et des compréhensifs de Poutine

Les chercheurs en matière de protestation mettent désormais en garde contre le fait de dénigrer d’emblée le souhait peut-être irréaliste mais au moins bien intentionné d’un cessez-le-feu et d’attribuer à ceux qui le font une proximité avec la Russie. Cela conduit à un durcissement du débat. La présidente du SPD, Saskia Esken, tente donc de faire le grand écart. Elle comprend parfaitement les personnes qui s’inquiètent de voir la guerre s’étendre. Peu après, elle précise toutefois qu’elle n’a aucune compréhension pour ceux qui manifestent avec des drapeaux russes et avec l’extrême droite.

Le vice-chancelier Robert Habeck, des Verts, s’exprime de manière tout aussi virulente. Il dénie à ceux qui suivent Wagenknecht le droit de vouloir la paix. Et leur reproche de faire passer pour la paix ce qu’un dictateur impérialiste veut pour l’Europe. Un message clair pour les manifestants.

Environ 700.000 personnes ont jusqu’à présent signé la pétition de Wagenknecht et Schwarzer. Un coup d’œil sur la liste des signataires montre clairement qu’il ne s’agit en aucun cas uniquement d’extrémistes et de personnes qui comprennent Poutine, mais aussi de personnes du centre. La guerre d’agression russe va durer encore longtemps, craignent les experts. Et le débat sur l’engagement allemand va donc se poursuivre. Les partis du centre ont visiblement du mal à faire face au désir de paix d’une partie de la population.