Pourquoi le rial iranien ne cesse de chuter

La monnaie iranienne est en chute libre. En seulement deux semaines, le rial s’est effondré de plus de 20 pour cent par rapport à l’euro. L’Iran parle d’un « complot de l’ennemi ».

La monnaie iranienne a atteint un nouveau plancher face au dollar. Dimanche, il fallait payer plus de 600.000 rials pour un dollar dans les bureaux de change, un niveau jamais atteint auparavant. Le rial a également atteint un niveau record face à l’euro.

Rien que pour les deux dernières semaines, la chute du cours de la devise iranienne par rapport à la monnaie unique européenne s’élève à plus de 20 pour cent. Il s’agit de l’une des plus importantes pertes de valeur de ces dernières années en si peu de temps.

L’Iran tient « l’ennemi » pour responsable

Les autorités iraniennes parlent d’un « complot de l’ennemi ». L’Occident veut déstabiliser la République islamique et affaiblit donc délibérément sa monnaie.

Une lecture qui n’est certes pas soutenue par les experts financiers. Ceux-ci attribuent la chute brutale de la monnaie iranienne en premier lieu à l’isolement politique croissant du pays, à la forte inflation et aux sombres perspectives économiques qui en résultent.

Sanctions après sanctions

La mort en garde à vue de la Kurde iranienne Mahsa Amini, le 16 septembre, a déclenché une vague de protestations contre le régime iranien. Les forces de sécurité tentent de s’y opposer violemment. L’UE, les Etats-Unis, le Canada et d’autres pays ont donc imposé des sanctions à la République islamique.

Depuis le début des protestations à l’échelle nationale, le rial a perdu près de la moitié de sa valeur. En raison de la crise aiguë des devises, le chef de la banque centrale iranienne (CBI) avait également été limogé en décembre.

Ce ne sont pas seulement les nouvelles sanctions qui pèsent sur l’économie du pays et donc sur sa monnaie. C’est plutôt l’espoir qui s’amenuise d’une fin des sanctions américaines drastiques déjà imposées au pays depuis 2018.

La relance de l’accord nucléaire de Vienne mise en veilleuse

Sous l’ancien président Donald Trump, les Etats-Unis s’étaient retirés de l’accord nucléaire de 2015 avec l’Iran et avaient rétabli des mesures punitives contre le pays.

Depuis la reprise des protestations à l’échelle nationale en Iran, les négociations en cours pour relancer l’accord nucléaire de Vienne sont au point mort – une raison centrale de la récente chute de la monnaie iranienne selon les experts en devises.

La forte inflation renchérit les importations

L’autre raison régulièrement invoquée par les experts financiers est l’inflation énormément élevée en Iran depuis des années. Depuis 2018, le taux d’inflation pour l’ensemble de l’année se situe à nouveau au-dessus de la barre des 30 pour cent. Le centre de statistiques du pays a même annoncé un taux d’inflation de plus de 50 pour cent pour le dernier mois iranien, qui s’est terminé le 20 janvier.

L’inflation élevée a considérablement renchéri la vie en Iran, le pays dépendant à bien des égards des importations, notamment pour les céréales et les machines électriques. Une monnaie nationale bon marché rend l’importation de ces produits plus chère pour les entreprises iraniennes, qui répercutent à leur tour la hausse des coûts sur les consommateurs.

Il n’est donc pas étonnant que les Iraniens se réfugient, autant qu’ils le peuvent, dans des « valeurs refuges » comme l’or ou le dollar américain et que les investisseurs internationaux évitent la monnaie iranienne.

Les conséquences politiques possibles de la chute de la monnaie

Arash Azizi, auteur du livre « The Shadow Commander : Soleimani, the U.S. and Iran’s Global Ambitions », souligne que la chute de la monnaie a également « un poids politique important en Iran ». Ceux qui sont nostalgiques de l’Iran d’avant la Révolution islamique de 1979 aimeraient parler de la façon dont il fallait alors payer seulement 70 rials iraniens pour un dollar.

Selon les experts, le double choc d’une chute drastique de la monnaie et d’une forte inflation pourrait désormais attiser le mécontentement et la colère de la population envers le régime.