Des chantiers partout

Cela fait sans doute partie du travail que de se faire peu d’amis en tant que ministre de la Santé. Caisses d’assurance maladie, personnel soignant, médecins, patients – il y a toujours quelqu’un qui n’est pas satisfait. Aujourd’hui, Lauterbach doit répondre à des questions au Bundestag.

Il y a une chose que l’on ne peut pas reprocher au ministre fédéral de la Santé : Karl Lauterbach n’a pas perdu son sens de l’humour. On lui a demandé récemment dans le « heute-show » s’il ne risquait pas de devenir à la fin le Andreas Scheuer du gouvernement Ampel. En toile de fond, la légalisation du cannabis, que le SPD, les Verts et le FDP ont décidé à l’unanimité de mettre en place et qui se fait encore attendre. La mise en œuvre pourrait finalement échouer en raison du droit européen, comme jadis l’objet de prestige de la CSU, le péage pour les voitures. « C’est vrai », a rétorqué sèchement Lauterbach. C’est en effet un risque. Le droit international et le droit européen doivent être respectés. « Nous y travaillons », a déclaré Lauterbach.

Nadine Bader

La légalisation du cannabis est pourtant probablement l’un des problèmes mineurs de Lauterbach. Car les soucis dans le domaine de la santé sont grands. Une commission doit désormais s’occuper des réformes dans le domaine hospitalier qui traînent depuis des années. Et il y a beaucoup à faire : trop peu de personnel, des urgences débordantes, parfois trop de traitements et de nombreuses cliniques qui sont désormais dans le rouge. L’augmentation des prix de l’énergie et des dispositifs médicaux s’y ajoute désormais. Le ministre de la Santé a annoncé son soutien aux cliniques. La commission d’experts pour le frein au prix du gaz conseille de créer un autre fonds d’aide. Les détails et la question de savoir s’il y aura des aides supplémentaires ne sont toutefois pas encore clairs.

Tout est trop lent ?

Une personne pour qui à peu près tout ce que fait Lauterbach est trop lent est le ministre bavarois de la Santé Klaus Holetschek. Le politicien de la CSU demande un plan de sauvetage pour les hôpitaux, les centres de prévention et de rééducation ainsi que les établissements de soins. Des bruits de fond venant de Bavière après chaque conférence des ministres de la Santé sont certains. Entre-temps, la CDU/CSU a même envoyé Holetschek au Bundestag pour donner la première réplique à Lauterbach.

Il en a été de même lorsqu’il a été question en septembre du déficit de plusieurs milliards des caisses d’assurance maladie obligatoires. « Vous vous dirigez vers un crash des caisses, vers un black-out des soins, si vous continuez comme ça », avait alors reproché le ministre bavarois de la Santé à son homologue fédéral. En effet, le ministre fédéral de la Santé n’a pas encore trouvé de solution pour stabiliser les caisses légales à long terme. La CDU/CSU passe volontiers sous silence le fait que son prédécesseur Jens Spahn n’y est pas non plus parvenu.

Un exercice d’équilibre

Ce n’est pas comme si Lauterbach n’était pas conscient du problème. L’infatigable ministre met le crayon rouge partout où il estime que cela est possible. Dans les rémunérations spéciales pour les médecins qui accueillent de nouveaux patients ou dans l’industrie pharmaceutique qui doit accorder des rabais plus importants sur certains médicaments. Il ne s’est guère fait d’amis avec cela. Lauterbach ne se lasse pas de souligner que tous les groupes de pression l’ont approché. Mais il tient bon. Au final, il s’agit pour lui d’éviter une réduction des prestations pour les assurés. Lauterbach a le ministre fédéral des Finances Christian Lindner sur le dos, qui voit partout un potentiel d’économies latent.

Pour Lauterbach, il s’agit donc d’un exercice d’équilibre à bien des égards. Beaucoup le considèrent comme un solitaire. Comme quelqu’un qui ne délègue pas et qui préfère s’écouter lui-même plutôt que d’écouter les autres. Mais ses détracteurs lui reconnaissent également une expertise avérée. C’est le cas du ministre bavarois de la Santé Holetschek. Mais sur des sujets urgents, Lauterbach se met parfois à « disserter ». Il lui a « parfois manqué l’écoute et la recherche de compromis », dit Holetschek. Il qualifie la communication de Lauterbach de « vraiment catastrophique ». Les Länder ne seraient souvent pas suffisamment impliqués. C’est du « mauvais goût ».

L’expertise comme opportunité

Le jugement de Christian Karagiannidis est plus nuancé. Ce médecin spécialiste des soins intensifs conseille le gouvernement fédéral dans deux instances importantes à la fois : le conseil d’experts Corona et la commission hospitalière, qui doit présenter dans les semaines à venir une proposition de réforme fondamentale des soins hospitaliers en Allemagne. Lauterbach connaît parfaitement le système de santé. Le ministre sait par exemple ce qui a mal tourné depuis l’introduction du système de forfaits par cas. « C’est pourquoi je pense qu’avec lui, nous avons une chance de poser les bons jalons », déclare Karagiannidis.

Corona pose également à nouveau de plus en plus de problèmes aux cliniques, surtout en raison des pertes de personnel. Mais le ministre doit désormais se concentrer encore plus sur la réforme fondamentale des hôpitaux. « La pandémie de Corona, comparée au changement démographique qui nous attend, est nettement un moindre mal », affirme le médecin intensiviste. « Le changement démographique est tel que les hôpitaux perdront considérablement leur personnel au cours des dix prochaines années et que nous devrons nous restructurer très rapidement pour être armés ». Selon lui, le système n’est plus résilient.

C’est aussi une question d’argent

Sans argent, cela ne marchera pas. Cela pourrait encore devenir un problème pour le ministre de la Santé. Car le ministre des Finances Lindner veut garder l’argent ensemble. Le médecin intensiviste Karagiannidis évoque un autre fonds spécial qui permettrait de faire avancer une réforme fondamentale et une restructuration du système. Par exemple pour numériser les cliniques, les relier entre elles par télémédecine et aborder la réforme de manière structurée, afin que les cliniques ne soient pas obligées de fermer sans coordination. Mais la proposition d’un fonds d’aide pour les hôpitaux suscite déjà des réactions hostiles de la part du groupe parlementaire du FDP.

Lauterbach ne manquera donc pas de travail en automne et en hiver. D’autant plus que le nombre de Corona augmente à nouveau. Lauterbach a récemment écrit sur Twitter qu’il s’attendait à ce que l’obligation de porter un masque à l’intérieur des véhicules en hiver soit inévitable. Là aussi, il devra encore faire preuve de persuasion. Et sans doute se faire peu d’amis.