« Un jour noir pour les droits de l’homme »

Le Conseil des droits de l’homme de l’ONU a refusé de débattre des violations présumées des droits de l’homme commises par la Chine à l’encontre des Ouïghours dans le Xinjiang. La crédibilité du Conseil a ainsi été sérieusement ébranlée.

Un moment amer : applaudissements au Conseil des droits de l’homme des Nations unies après un vote au cours duquel le principal organe de défense des droits de l’homme des Nations unies a refusé de ne serait-ce que débattre des violations des droits de l’homme en Chine. 19 votes négatifs, 11 abstentions – seulement 17 votes positifs. La proposition des Etats occidentaux d’organiser un débat sur le rapport du Bureau des droits de l’homme de l’ONU sur la situation dans la région chinoise du Xinjiang a ainsi été balayée.

Kathrin Hondl

Le rapport a été publié fin août et documente – en se référant entre autres à des sources gouvernementales chinoises – de graves violations des droits de l’homme contre la minorité musulmane des Ouïghours.

Après le vote du Conseil des droits de l’homme, le président du Congrès mondial ouïghour a parlé d’une « catastrophe », tandis que le ministère des Affaires étrangères à Berlin a évoqué une « journée noire pour les droits de l’homme ». « Il est assez décevant de constater que même un débat sur une situation des droits de l’homme semble être de trop pour certains pays », estime Olaf Wientzek, directeur du bureau du dialogue multilatéral de la Fondation Konrad Adenauer à Genève.

Un résultat sans grande surprise

Le résultat du vote au Conseil des droits de l’homme n’a toutefois pas été une grande surprise. Depuis des semaines, la Chine s’oppose avec véhémence au rapport de l’ONU sur le Xinjiang et nie toute violation des droits de l’homme. C’est pourquoi les diplomates chinois se sont montrés très offensifs à Genève pour le rejet de la proposition des Etats occidentaux.

« De plus, la Chine est un pays très influent et, au sein du Conseil des droits de l’homme, elle fait justement sentir son influence économique et politique à de nombreux pays avant de procéder à de tels votes », explique Wientzek.

« L’influence de la Chine s’est accrue »

Des délégations chinoises, racontent des diplomates à Genève, ont visité de manière ciblée les représentations de nombreux pays membres avant le vote au Conseil des droits de l’homme. Et depuis longtemps déjà, selon Wientzek, Pékin diffuse à l’ONU une définition spécifiquement chinoise des droits de l’homme.

« Je ne dirais pas encore que les Nations unies sont complètement minées par la Chine. Mais il est clair que l’influence de la Chine s’est accrue. Et ce qui est particulièrement inquiétant, c’est que la Chine a tout à fait réussi dans ses tentatives de changer le récit ».

Elle mettrait ainsi davantage l’accent sur les droits économiques et sociaux que sur les droits de l’homme individuels, et le dialogue interétatique serait également davantage encouragé. « Cela signifie que l’on ne se critique pas autant », explique Wientzek.

Le rôle influent du Pakistan

Le fait que des alliés traditionnels comme le Venezuela, la Bolivie ou l’Érythrée se soient rangés du côté de la Chine hier au Conseil des droits de l’homme n’est pas nouveau. Mais le fait que des pays majoritairement musulmans comme l’Indonésie et le Qatar aient voté contre le débat sur la répression des Ouïghours musulmans en Chine a pu surprendre.

Selon Wientzek, cela est également dû à l’influence du Pakistan. Le Pakistan est le coordinateur des droits de l’homme et des questions humanitaires au sein de l’OCI (Organisation de la coopération islamique) et joue un rôle influent. « Et le Pakistan est un allié très proche de la Chine au Conseil des droits de l’homme et en général. Je pense que cela explique en grande partie le vote ».

Un rapporteur spécial en Russie ?

La plupart des observateurs s’accordent à dire que la crédibilité du Conseil des droits de l’homme de l’ONU a été sérieusement ébranlée ce jeudi. Une nouvelle épreuve du feu est prévue aujourd’hui : A l’initiative des Etats membres de l’UE, les pays membres votent sur l’envoi par le Conseil d’un rapporteur spécial en Russie afin d’y examiner la situation des droits de l’homme.

Selon l’estimation de Wientzek, les chances de ce projet sont meilleures. « La crédibilité de la Russie au sein de l’organe a massivement diminué et le vote deviendra également une comparaison intéressante de l’influence de la Russie et de la Chine sur le déséquilibre toujours plus grand entre ces deux partenaires ». Car on en arriverait alors à la situation où, dans un cas, il y aurait un rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans un pays – et où, de l’autre côté, la discussion sur la situation des droits de l’homme serait déjà refusée.