Comment loger un million ?

Plus d’un million de personnes ont fui l’Ukraine pour se réfugier en Allemagne depuis le début de la guerre. Dans certaines communes, l’hébergement et l’intégration fonctionnent, d’autres appellent à l’aide. Comment cela pourrait-il mieux se passer ?

Depuis la Seconde Guerre mondiale, jamais autant de personnes n’ont trouvé refuge en Allemagne que l’année dernière – plus d’un million d’Ukrainiens à eux seuls ont fui la guerre d’agression russe pour se réfugier en Allemagne. Ils ont été particulièrement nombreux à arriver au cours des six premiers mois qui ont suivi l’invasion russe du 24 février.

Dans de nombreuses villes, on trouvait des gens qui distribuaient de la nourriture à la gare, indiquaient le chemin aux arrivants et proposaient même des chambres. « Il y avait une volonté d’aider folle, comme je n’aurais jamais pu l’imaginer », déclare la ministre de l’Intérieur Nancy Faeser dans un entretien avec le Studio principal de l’ARD.

« L’année dernière, nous avons mis à disposition plus de 3,7 milliards pour les frais d’hébergement », la ministre de l’Intérieur Faeser, à propos de la problématique des vagues de réfugiés

Frank Jahn, ARD Berlin, tagesschau24 19:00 heures, 24.2.2023

Les critiques ont commencé à pleuvoir sur la ministre alors que 15.000 nouveaux arrivants étaient enregistrés chaque jour. On s’appuie trop sur les bénévoles, l’arrivée et l’accueil doivent être mieux coordonnés, a averti l’Union. « Nous sommes étonnés de voir à quel point le gouvernement fédéral est mal organisé », a déclaré le chef du parti et du groupe parlementaire Friedrich Merz.

La plupart des Ukrainiens finissent par se loger dans le privé. Contrairement aux personnes en quête de protection venant par exemple de Syrie ou d’Afghanistan, ils ne sont pas d’abord répartis dans les Länder puis dans les communes à leur arrivée. Ils s’installent dans les villes où vivent des parents et des connaissances.

« L’accueil jusqu’à l’été s’est fait relativement sans bruit », explique Hannes Schammann, professeur de politique migratoire à l’université de Hildesheim. « Mais l’hébergement privé est souvent difficile à long terme ». Avec le départ des Ukrainiens des logements privés, la pression sur les communes a augmenté en été et en automne : En de nombreux endroits, il a fallu trouver des logements, et jusqu’à aujourd’hui, les villes et les communes sont à la recherche de plus de logements.

Une répartition inégale en Allemagne

La situation en Allemagne est pourtant très différente d’une région à l’autre. Certaines villes et communes construisent des abris de masse et des villages de tentes et crient haut et fort à l’aide. Dans d’autres communes, des lits sont encore disponibles. L’une des raisons est que, comme les Ukrainiens peuvent choisir la ville dans laquelle ils veulent vivre, il y a des agglomérations où les réfugiés de guerre sont particulièrement nombreux.

En outre, des demandeurs d’asile viennent par exemple de Syrie ou d’Afghanistan et sont répartis selon un quota. « C’est une double charge que de nombreuses communes ne peuvent plus assumer », déclare Reinhard Sager, président de l’Association des arrondissements ruraux allemands.

Mais il y a aussi des villes et des communes qui ont encore des capacités d’accueil. « Düsseldorf, par exemple, est très bien organisée », dit l’expert en migration Schammann. « Ici, on accueille par quota et on continue à être prêt à accueillir ». Malgré un marché du logement tendu, la ville trouve des logements pour les réfugiés et veut notamment transformer des immeubles de bureaux vides.

« Certaines communes misent sur le potentiel des personnes ayant fui leur pays. On peut avoir besoin d’eux en tant que professionnels », explique Schammann. Selon lui, le fait que certaines communes soient surchargées et d’autres non dépend parfois non seulement du nombre, mais aussi de la volonté politique.

Un nouveau système de répartition pour faciliter les choses

Afin de faciliter la répartition, le ministère fédéral de l’Intérieur a annoncé la mise en place d’un tableau de bord. Les données actuelles de différentes régions doivent y être affichées : Où y a-t-il actuellement des places libres ? Qui peut encore accueillir ? Les experts critiquent le fait que la plateforme arrive nettement trop tard.

La professeure Petra Bendel, directrice du département de recherche sur la migration, la fuite et l’intégration à l’université Friedrich-Alexander d’Erlangen-Nuremberg, travaille sur une autre plateforme, plus adaptée. « Match’in » est un algorithme qui doit mettre en relation les personnes en quête de protection et les communes en fonction des besoins individuels. « Une famille nombreuse avec beaucoup d’enfants a d’autres exigences en matière de logement qu’une personne en fauteuil roulant ».

L’algorithme ne permet pas seulement d’assembler des logements de manière parfaitement adaptée, mais aussi des places disponibles en crèche et à l’école et des cours de langue. Quelqu’un est-il atteint d’une maladie chronique et a-t-il besoin d’un hôpital à proximité ? Est-ce que quelqu’un a un métier qui est recherché dans la région ? L’algorithme tient également compte de ces éléments.

Plus d’un tiers des Ukrainiens souhaitent rester

Le projet pilote de « Match’In » débute en mars et se charge de la répartition dans quatre Länder sur des communes sélectionnées. Si le projet est un succès, Bendel espère l’étendre. « Il ne s’agit pas seulement d’hébergement, mais d’intégration et donc, en fin de compte, de notre cohésion sociale ».

En effet, selon une étude de l’Institut de recherche sur le marché du travail et les professions (IAB), 37 pour cent des Ukrainiens souhaitent rester en Allemagne. 26 pour cent d’entre eux pour toujours, 11 pour cent pour plusieurs années. Les experts estiment que la proportion d’Ukrainiens qui restent durablement en Allemagne augmente, et ce d’autant plus que la guerre se prolonge.