Le moteur franco-allemand cale

Pas de déclarations, pas de problèmes ? Après la visite du chancelier Scholz au président français Macron, tous deux veulent présenter la rencontre sous un jour positif. Mais en coulisses, le bras de fer se poursuit.

Les cris de commandement de la Garde Républicaine, qui protège le président français – ils étaient clairement audibles dans la cour du palais de l’Elysée. Pour le reste, seul le gravier fin a crissé lorsque le chancelier Scholz est arrivé à Paris dans une limousine allemande, après avoir dû attendre quelques minutes dans la rue devant des grilles fermées. Scholz est descendu, le président Macron s’est précipité pour descendre les quelques marches menant à l’entrée de son siège officiel et serrer la main du chancelier avec un air aimable. Ensuite, les deux hommes ont fait un petit signe de la main aux caméras, puis ont disparu pendant trois bonnes heures à l’Élysée.

Cai Rienäcker

En coulisses, un bras de fer s’est engagé entre Berlin et Paris sur la question de savoir si des déclarations devaient être faites après la rencontre. Du côté allemand, on a d’abord dit que Scholz voulait absolument s’exprimer devant les micros, puis l’Elysée a déclaré qu’il n’y aurait pas de déclarations. Et c’est ce qui s’est passé.

La délégation parle de succès

Les coulisses de ce dîner de travail à Paris auraient difficilement pu montrer plus clairement à quel point le moteur franco-allemand est actuellement en panne. Du côté français, le porte-parole du gouvernement Olivier Véran, un proche de Macron, a tenté parallèlement à la rencontre de minimiser les querelles actuelles : « Ce moteur franco-allemand, nous voulons en tout cas continuer à le faire vivre. Mais parfois, il faut être capable de surmonter des difficultés momentanées, quand les priorités d’un pays ne sont pas forcément les mêmes que celles de l’autre », a-t-il déclaré. « La force du couple franco-allemand, c’est d’être toujours capable de s’entendre et de faire avancer toute l’Europe ».

Le chancelier Scholz en France : beaucoup de discours à tenir entre les partenaires

Sabine Rau, ARD Paris, tagesschau 20:00, 26.10.2022

Du côté allemand également, on s’est efforcé, après le repas commun de Scholz et Macron, de présenter l’entretien sous un jour très positif. C’était un grand succès, disait-on dans les milieux de la délégation. L’ambiance à table et dans le jardin du palais de l’Elysée, sous un soleil radieux à Paris, contrastait nettement avec les informations faisant état d’une crise dans les relations franco-allemandes. Macron et Scholz auraient échangé leurs positions sur les grandes orientations des années à venir.

Comme on pouvait s’y attendre, la politique énergétique et économique ainsi que les questions de défense ont été au centre des discussions. Avant la rencontre, on avait ouvertement évoqué à Paris le fait que, du point de vue français, l’Allemagne faisait actuellement trop cavalier seul. C’est le cas du programme de 200 milliards pour atténuer les coûts énergétiques en Allemagne ou de l’initiative visant à mettre en place un nouveau bouclier antiaérien en Europe. Et puis il y a les nombreux problèmes de communication qui ont également freiné les consultations gouvernementales franco-allemandes qui auraient dû avoir lieu aujourd’hui à Paris.

De faibles attentes

Mais au sein de la coalition berlinoise, certains membres du gouvernement – on cite nommément à Paris la ministre des Affaires étrangères Annalena Baerbock – auraient préféré partir en vacances d’automne en famille plutôt qu’avec le chancelier à Paris. Le palais de l’Elysée a alors annulé sans hésiter ces entretiens traditionnels, sans fixer de date de remplacement précise.

Il ne restait plus que le déjeuner de travail entre Macron et Scholz à Paris, accompagné de voix d’avertissement en France. « Le couple franco-allemand tend à s’éloigner et à se paralyser », a par exemple déclaré l’ancien ministre français des Affaires étrangères Dominique de Villepin. « Nous ne pouvons pas nous permettre, à ce moment de l’histoire, d’avoir une Europe qui ne soit pas unie et forte ».

Mais les attentes concernant la rencontre entre Scholz et Macron aujourd’hui étaient faibles de part et d’autre et n’ont donc pas été déçues. Pas de déclarations – pas de problèmes.

Scholz n’a pas voulu s’y tenir tout à fait : Depuis l’avion qui le menait à sa prochaine étape, la Grèce, il a tweeté : « Bonjour Emmanuel Macron à Paris ! C’était une très bonne et importante conversation aujourd’hui ».