Comment le BND se protège des taupes

Ce qui ne doit pas arriver est arrivé. Un collaborateur du BND a probablement espionné – pour la Russie. Une enquête est toujours en cours. Et la question se pose de savoir comment les services secrets se protègent contre les taupes. Les réponses sont données par un ancien collaborateur du BND.

Le procureur général fédéral reste discret. Pour des raisons tactiques et de sécurité, il ne veut apparemment pas publier de résultats intermédiaires concernant l’enquête sur la trahison présumée au sein du BND. De nombreuses questions surgissent, notamment sur les procédures au sein du BND : comment le service de renseignement extérieur peut-il empêcher que des informations secrètes, qui ont l’importance d’un secret d’Etat, quittent le BND et tombent entre les mains de la Russie ?

Michael Stempfle

Une surveillance 24 heures sur 24 ne peut pas exister au sein du Service fédéral de renseignement, explique l’ancien haut responsable du BND Gerhard Conrad dans un entretien avec le ARD-Hauptstadtstudio. Celles-ci violeraient également les droits de la personnalité des employés du BND et créeraient un climat de méfiance destructeur.

Social-Live avec Michael Stempfle, ARD Berlin, et Gerhard Conrad, ex-employé du BND, sur l’enquête d’espionnage menée contre un employé du BND

tagesschau24 14:00 heures, 29.12.2022

Vol de documents sur les « boîtes aux lettres mortes

Conrad fait toutefois référence aux mesures de sécurité. Par exemple, le BND remarque toujours que des informations de cette qualité sont enregistrées sur une clé USB. Et ce, même si le suspect est un fonctionnaire de haut rang disposant de compétences plus étendues. De tels incidents sont consignés dans un procès-verbal.

Il est peu probable que le suspect ait transmis les documents sous forme de pièce jointe à un e-mail. Il est plutôt possible que les documents aient été transportés hors de la maison et déposés dans des « boîtes aux lettres mortes », comme dans les films d’espionnage, à l’intention du destinataire russe.

Regard vers l’intérieur et l’extérieur

Afin d’empêcher les criminels internes au BND, le service fait depuis toujours passer des contrôles de sécurité aux candidats. Ces contrôles sont régis par la loi. Un département spécial, appelé « sécurité intrinsèque », vérifie non seulement si les candidats ont une personnalité stable, mais aussi quel est leur environnement personnel. Selon Conrad, ces contrôles sont répétés au cours de la carrière du BND. Il semblerait que ce soit à des intervalles plus longs, jusqu’à dix ans, ou pour des raisons particulières.

Le président de l’organe de contrôle parlementaire, Konstantin von Notz des Verts, avait proposé de clarifier si ces contrôles de sécurité devaient être améliorés. L’expert du BND Conrad est d’accord. Il vaut la peine de voir « où l’on peut affiner ». Il plaide toutefois pour une approche réfléchie : Il ne faut pas se lancer dans une chasse aux sorcières, ni se croire dans une fausse certitude.

Pour Conrad, il est important que le BND ne soit pas le seul à regarder vers l’intérieur et vers l’extérieur dans le cadre du contre-espionnage, mais que l’Office fédéral de protection de la Constitution (BfV) détecte également l’espionnage russe en Allemagne. Il y parvient régulièrement. Grâce aux informations du BfV, l’Allemagne a pu expulser 40 diplomates russes en avril. Il s’agit d’être vigilant et de vérifier si des espions russes ont approché des collaborateurs du BND ou par exemple des hommes politiques et s’ils ont éventuellement voulu les recruter.

Une taupe dans ses propres rangs

On ne sait certes pas quelles informations le suspect a concrètement transmises à la Russie dans le cas actuel. Mais selon Conrad, il s’agissait de « quelque chose qui intéressait les Russes », donc probablement la perception allemande du déroulement de la guerre en Ukraine.

WDR, NDR et le Süddeutsche Zeitung avaient publié qu’un service de renseignement ami avait indiqué au BND l’existence d’une taupe dans ses propres rangs. Si cela s’avérait vrai, ce service de renseignement aurait apparemment intercepté des communications à l’étranger, suppose Conrad. On sait que de telles mesures de reconnaissance par satellite et de surveillance des communications ont été mises en place à grande échelle au début de la guerre en Ukraine.

Conrad estime que ce service secret ami a dû alors remarquer – quasiment en passant – que des informations provenant du BND étaient tombées entre les mains de la Russie. Dans le jargon des services secrets, on appelle cela une « prise accessoire ». Comme il se doit pour des services secrets amis, ceux-ci ont alors averti le BND. Une collaboration classique, « burden sharing », dit Conrad – partage des charges.

Le chantage est possible

Pour déterminer la gravité de cette affaire, il est essentiel de savoir dans quelle mesure et avec quelle qualité le suspect a révélé des informations du BND à la Russie, et combien de temps cette activité d’agent double a duré. Seule l’enquête pourrait le révéler.

Actuellement, les enquêteurs examinent probablement aussi si le suspect a été victime d’un chantage de la part de la Russie avant d’avoir éventuellement révélé un secret d’État à Moscou. Dans le monde des espions, c’est tout à fait envisageable. Du chantage à la menace contre la famille, rien ne peut être exclu, explique Conrad. Pour Moscou, il est décisif de connaître la vulnérabilité d’une personne cible et d’adapter les mesures en conséquence.

Si des collaborateurs du BND se retrouvent dans une situation où ils sont approchés, voire soumis à un chantage, par des services secrets étrangers, ils peuvent s’en ouvrir à leur service de sécurité. Ils devraient alors le faire le plus rapidement possible, conseille Conrad.