La conjoncture fait les montagnes russes : soudain, les signaux d’alerte d’une récession persistante en Allemagne se multiplient à nouveau

Fin 2022, l’économie allemande semblait avoir démenti les pires craintes. Au lieu d’une crise profonde due à la guerre en Ukraine, il y aurait tout au plus une récession hivernale courte et douce.

Mais ces derniers temps, les signaux d’alerte se multiplient, la récession pourrait s’avérer plus tenace et plus lourde de conséquences.

En Allemagne, la plus grande vague de grèves depuis des années et une flambée de l’inflation menacent. En Europe, un important indicateur de sentiment bascule de manière surprenante dans le négatif. Et le DIW met en garde : « L’économie allemande n’a pas encore touché le fond ».

A la fin de l’année, tout semblait aller si bien. La récession semblait annulée. Au lieu d’une crise profonde due à la guerre en Ukraine, l’Allemagne semblait s’en tirer avec un creux hivernal inoffensif. Les économistes, les banques et les institutions ont revu leurs prévisions à la hausse jusqu’à ce que la majorité d’entre eux estiment que l’Allemagne connaîtra à nouveau une petite croissance économique en 2023.

Mais la situation s’est déjà inversée.

Soudain, les signaux d’alarme se multiplient, laissant penser que la récession pourrait être plus profonde et surtout plus tenace. L’Office fédéral de la statistique a d’abord corrigé à la baisse le chiffre de croissance du produit intérieur brut pour le quatrième trimestre 2022, le ramenant à 0,4 pour cent. Ensuite, le taux d’inflation a augmenté de manière surprenante en janvier pour atteindre 8,7 pour cent. Les indicateurs avancés tels que le climat des affaires Ifo augmentent certes, mais ne parviennent pas à dépasser la valeur neutre de 100 points et signalent donc toujours une récession – dans les six prochains mois.

Lundi, l’indicateur « Economic Sentiment » pour le moral dans la zone euro a également basculé de manière surprenante dans la zone négative de 99,7 points. Les analystes s’attendaient à une hausse à 101 points. Et mardi, l’Institut allemand de recherche économique (DIW) a suivi avec des chiffres décevants. Le baromètre conjoncturel du DIW a perdu près de deux points pour atteindre 93,6 points. Là encore, la tendance à la hausse a été stoppée avant même de sortir de la zone de récession. « L’économie allemande n’a pas encore touché le fond », titrait le DIW. La Bundesbank murmurait dans son rapport mensuel « Pas d’amélioration en vue ». Et même le marché du travail, jusqu’ici si robuste, commence à montrer les premières traces d’éraflure des crises permanentes.

Tout laisse à penser que l’économie allemande s’améliorera à partir du printemps. Mais il y a peu de chances que les choses s’améliorent vraiment. En effet, les perturbations se multiplient à nouveau.

Une grande vague de grèves menace en pleine récession

L’Allemagne risque ainsi de connaître la plus grande vague de grèves depuis de nombreuses années. Elles s’inscrivent dans le cadre de négociations collectives pour environ onze millions de salariés, soit un quart de la population active en Allemagne. Des conflits sociaux menacent de nombreux secteurs. Les syndicats réclament des augmentations de salaire à deux chiffres. Elles vont de 10,5 à 12 pour cent dans le secteur public, en passant par 15 pour cent à la Poste et jusqu’à 20 pour cent dans les chemins de fer.

La lutte pour la compensation des taux d’inflation élevés de 6,9 pour cent l’année dernière et actuellement de 8,7 pour cent en janvier est arrivée dans les entreprises et dans la rue. Ainsi, l’espoir du gouvernement fédéral d’éviter précisément cela par une « action concertée » entre la politique, le patronat et les syndicats a également échoué. L’État a pris les devants en offrant la possibilité d’un versement unique non imposable de 3000 euros pour compenser l’inflation. En vain.

Il faut s’attendre à des conflits du travail difficiles et à des accords salariaux élevés. La Bundesbank est convaincue qu’ils menacent de relancer l’inflation par des effets de second tour, ou du moins de faire en sorte que les taux d’inflation restent élevés encore longtemps. Cela augmente la pression sur la Banque centrale européenne pour qu’elle augmente plus fortement les taux d’intérêt et les maintienne plus longtemps à un niveau élevé. La Deutsche Bank, par exemple, a déjà relevé ses prévisions pour le sommet sur les taux d’intérêt. Des taux d’intérêt plus élevés risquent à leur tour de freiner davantage la conjoncture.

L’Allemagne est désormais menacée par la spirale de la hausse des prix, des salaires et des taux d’intérêt, que tout le monde voulait éviter il y a encore quelques mois. Le climat menace de se renverser.