Expulser vers la Russie ?

Après l’attaque de la Russie contre l’Ukraine, les expulsions ont d’abord été considérées comme exclues. Mais les premiers Länder examinent désormais des renvois vers la Russie.

Tout était prêt pour l’expulsion. Et c’est ainsi que la procédure a suivi son cours il y a un an. Mais ce jeudi 24 février 2022 n’a pas été un jour comme les autres : ce matin-là, la Russie a lancé sa guerre d’agression contre l’Ukraine. L’expulsion vers la Russie devait être la seule effectuée par le Bade-Wurtemberg vers la Fédération de Russie l’année dernière.

Manuel Bewarder

Florian Flade

En effet, les plans correspondants ont été mis en veilleuse dans les Länder, en principe compétents pour les rapatriements. Même l’Etat fédéral, qui est toujours impliqué par le biais de l’Office fédéral des migrations (BAMF) ou de la police fédérale, a refusé il y a quelques semaines : « Actuellement, une expulsion vers la Russie n’est pas possible, ne serait-ce que pour des raisons purement pratiques », a déclaré une porte-parole du ministère fédéral de l’Intérieur.

Selon les informations de WDR et NDR plusieurs Länder examinent à nouveau les expulsions vers la Russie. Selon un sondage, la Bavière, la Hesse et la Saxe-Anhalt en font partie. Selon l’enquête, certains indices laissent penser que d’autres Länder poursuivent apparemment de tels projets – mais ils se sont montrés réticents à répondre à une demande officielle. D’autres pays comme la Rhénanie-du-Nord-Westphalie, le Schleswig-Holstein ou la Thuringe ont explicitement déclaré qu’ils n’examinaient pas la question.

Selon les milieux de la sécurité, ce sont surtout les personnes dites dangereuses et les délinquants qui entrent en ligne de compte pour les rapatriements. En d’autres termes, les efforts portent actuellement surtout sur des cas individuels.

La Bavière « examine continuellement les possibilités »

Selon ses propres informations, la Bavière avait déjà expulsé six personnes en 2022, jusqu’à l’éclatement de la guerre. Depuis, selon le ministère bavarois de l’Intérieur, des ressortissants russes ont été renvoyés – non pas dans leur pays d’origine, mais dans d’autres États de l’Union européenne. D’autres mesures auraient dû être annulées en raison de la « situation d’alors et qui perdure ». Officiellement, on peut désormais lire : « L’Office régional de l’asile et des rapatriements examine en permanence les possibilités et poursuit les planifications actuelles ».

Le Land de Saxe-Anhalt déclare que l’accord de rapatriement de l’UE avec la Fédération de Russie est toujours en vigueur. Une partie des ressortissants russes devant être expulsés sont des délinquants « condamnés à des peines de prison parfois lourdes pour des délits importants ». Il n’existe pour eux « aucune interdiction d’expulsion ». Le ministère déclare donc : « Un rapatriement est à l’étude ». Une telle mesure servirait « notamment à prévenir les risques ».

Le ministère de l’Intérieur du Land de Hesse a également indiqué qu’il explorait les possibilités : « En ce qui concerne les cas individuels prioritaires liés à la sécurité, le Land de Hesse a pris contact avec l’État fédéral pour que celui-ci examine et indique d’éventuelles possibilités de rapatriement ». Mais jusqu’à présent, il n’y a pas encore eu de « réactions positives ou de possibilités d’action ».

La Confédération considère apparemment que les efforts sont compréhensibles

Au niveau fédéral, on considère que les efforts des Länder sont compréhensibles, dit-on dans les milieux de la sécurité. En effet, le contrat de coalition parle d’une « offensive de rapatriement » – surtout dans l’optique de l’expulsion de criminels et de personnes dangereuses, c’est-à-dire de personnes que la police soupçonne à tout moment de commettre des actes de violence graves à motivation politique.

La politique et les autorités sont ici confrontées à un défi : plus de la moitié des personnes dangereuses ou pertinentes actuellement soumises à une obligation d’expulsion exécutoire sont des Syriens, des ressortissants russes ou des Afghans. Or, pour diverses raisons, les expulsions vers ces trois pays sont actuellement quasiment impossibles. Au ministère fédéral de l’Intérieur, on s’était montré ouvert en interne à de possibles expulsions en ce qui concerne les personnes dangereuses ou les délinquants afghans – mais qu’en est-il de la Russie ?

Un porte-parole explique qu’aucune mesure d’expulsion vers la Russie n’est actuellement soutenue dans le contexte de la guerre. La responsabilité de l’exécution incombe toutefois aux autorités des Länder concernés. Le ministère fédéral de l’Intérieur se réserve en outre le droit de prendre contact avec la partie russe dans des cas particuliers et en accord avec le ministère des Affaires étrangères, en particulier pour les criminels et les personnes dangereuses.

Selon les milieux de la sécurité, le gouvernement fédéral attire déjà l’attention des Länder sur une circonstance particulière : la Russie a promis la liberté aux criminels s’ils partent combattre sur le front en Ukraine. Il faut donc s’attendre à ce que des personnes expulsées se présentent là-bas.

Rapatriement par voie terrestre ?

Les rapatriements vers la Russie ne semblent en tout cas pas impossibles – même si, selon le ministère fédéral de l’Intérieur, il n’existe actuellement aucune liaison aérienne directe et que les vols charters sont exclus en raison des sanctions imposées. Dans les Länder, on dit qu’on n’a déjà pas choisi que la voie aérienne par le passé. C’est précisément cette possibilité qui subsiste : les expulsions par voie terrestre.

Contrairement à l’Afghanistan ou à la Syrie, il existe, selon des représentants des autorités, des contacts consolidés depuis des années avec la Russie dans le domaine des expulsions. Un fonctionnaire qui travaille dans ce domaine a apparemment pris cette tâche tellement au sérieux qu’il a continué à entretenir des contacts avec les autorités de sécurité russes, même en privé. Par le passé, cela a souvent été très utile pour les rapatriements.

Mais la Russie a ensuite envahi l’Ukraine. Alors que l’homme devait s’occuper des conséquences de la guerre, le ministère de l’Intérieur a préféré tirer le frein à main – on dit qu’il voulait le protéger d’éventuels conflits. Le fonctionnaire continue désormais à s’occuper des rapatriements.