Avance pour son propre système

La Chine a fait sensation en lançant une « initiative de paix » sur la guerre d’agression russe contre l’Ukraine. Le pays est-il prêt à augmenter la pression sur le Kremlin ? De nombreux éléments laissent penser que ce document sert avant tout ses propres intérêts.

L’attention lui était assurée lorsque le chef de la diplomatie chinoise Wang Yi a annoncé lors de la Conférence sur la sécurité de Munich il y a une semaine qu’il présenterait « un plan de paix pour l’Ukraine ». Une possible petite lueur d’espoir dans l’horrible guerre d’agression menée par la Russie depuis un an.

Marie von Mallinckrodt

Même si la démarche a été accueillie en grande partie avec scepticisme, il y a aussi des politiciens européens pleins d’espoir. Le président français Emmanuel Macron a l’intention de se rendre à Pékin début avril. Selon lui, le fait que la Chine s’engage pour la paix est une bonne chose. Selon lui, la Chine doit aider à faire pression sur la Russie.

C’est précisément le point névralgique, même si l’on met d’abord brièvement de côté les propres ambitions des dirigeants de l’Etat et du parti chinois : Exercera-t-elle une pression sérieuse sur la Russie ? Et si oui, sous quelle forme ?

La Chine a besoin du soutien de Poutine

Les dirigeants chinois n’ont jamais condamné la guerre. La guerre d’agression russe n’est certes pas dans l’intérêt de la Chine, mais le partenariat avec la Russie n’a justement pas de frontières. Le commerce entre les deux pays a augmenté depuis le début de la guerre, notamment en raison des sanctions occidentales contre la Russie. La Chine profite actuellement d’un gaz et d’un pétrole bon marché. Et maintenant, des accusations ont été lancées selon lesquelles la Chine pourrait fournir des armes à la Russie.

De nombreux éléments indiquent donc que la pression exercée par la Chine sur le dirigeant russe Vladimir Poutine ne sera pas remarquable. L’initiative chinoise semble plutôt s’inscrire dans un plan plus large visant à renforcer la position de force géopolitique de la Chine en tant que contre-modèle à l’ordre mondial occidental – et pour cela aussi, le chef de l’Etat et du Parti Xi Jinping a besoin de son bon ami Poutine.

« La solution chinoise pour un meilleur système social »

Tout récemment, début février, Xi a prononcé un discours de principe qui est une déclaration de guerre contre les Etats-Unis et l’Occident. Et cela doit également être vu dans le contexte de l’avancée actuelle vers une « solution politique à la crise ukrainienne », comme les dirigeants appellent la guerre. Le message de Xi : « modernisation égale occidentalisation » est un mythe. Il existe « une solution chinoise à la quête de l’humanité pour un meilleur système social ».

Le destinataire de ce message est le Sud mondial. Pour Alexander Gabuev de la Fondation Carnegie pour la paix internationale, il est plus que clair que « la Chine fait cette proposition de paix pour se présenter comme la seule puissance mondiale réellement intéressée par la paix. La proposition est formulée en termes très faibles, qui ne seront très probablement pas utiles, mais ce plan convaincra le Sud mondial que la partie chinoise, est la seule intéressée par la paix ».

Chine : un « plan de paix » égoïste ?

Marie von Mallinckrodt, ARD Pékin, Weltspiegel 18h30, 26.2.2023

Argumentation sur les intérêts légitimes de sécurité

Dans le document sur l’Ukraine, on trouve une formulation qui constitue la base du rapprochement de Xi Jinping et de Vladimir Poutine dans la compétition systémique. On y lit par exemple que les intérêts légitimes de sécurité de tous les Etats doivent être pris au sérieux. La Chine fait ainsi référence à l’argumentation de la Russie selon laquelle elle doit se défendre – contre les Etats-Unis et contre l’OTAN.

Selon Angela Stanzel de la Stiftung Wissenschaft und Politik, c’est le récit que la Chine a repris de la Russie. « A savoir que les Etats-Unis sont responsables de la menace sécuritaire qui pèse sur la Russie et que cette dernière a donc le droit de défendre sa sécurité, à savoir d’envahir l’Ukraine ».

« Assurer sa propre chute Taiwan »

Le respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de tous les pays est la première chose mentionnée dans le document. Du point de vue de la Russie et probablement aussi de la Chine, cela ne s’applique manifestement pas à l’Ukraine. « Lorsque la Chine écrit quelque chose sur l’intégrité territoriale et la souveraineté dans un tel plan de paix, elle le fait en fait pour protéger son propre cas, à savoir Taïwan », estime Angela Stanzel. La République populaire considère l’île démocratiquement gouvernée comme faisant partie de son territoire et aspire à une « réunification », menaçant de recourir à la force militaire. Mais Taïwan n’a jamais fait partie de la République populaire et est aujourd’hui une démocratie vivante.

La stratégie derrière tout cela : la légitimation à long terme de ses propres intérêts. Il semble donc qu’il y ait un double jeu de la part des dirigeants chinois. Y compris en ce qui concerne l’UE. D’une part, elle se tient fermement aux côtés de la Russie, mais en même temps, les dirigeants chinois s’efforcent également d’entretenir de bonnes relations avec les pays européens. L’économie chinoise s’affaiblit et l’UE est un marché important, notamment parce que les Etats-Unis s’en détournent de plus en plus, avec des sanctions douloureuses pour la Chine.

Le magazine Weltspiegel traite de ce sujet et d’autres aujourd’hui à partir de 18h30 sur la première chaîne.