Israël : le ministre de la Justice Bushmann entreprend un voyage controversé – Politique

Le moment est loin d’être idéal. Lundi, le ministre fédéral de la Justice Marco Buschmann est arrivé en Israël pour une visite de deux jours. Le politicien du FDP veut y faire ce qui aurait été un geste évident il y a encore quelques semaines : visiter le mémorial de l’Holocauste Yad Vashem, inaugurer à Tel Aviv l’exposition itinérante « Rosenburg » sur les continuités nazies au ministère fédéral de la Justice dans l’Allemagne de l’Ouest d’après-guerre – et rencontrer son homologue israélien Yariv Levin. Le libéral constitutionnel Bushmann aura toutefois toutes les peines du monde à expliquer de manière plausible sa rencontre avec le politicien du Likoud. Car Levin se trouve au centre d’une tempête.

Le ministre israélien de la Justice est le principal instigateur de la réforme judiciaire du nouveau gouvernement religieux de droite, perçue par ses détracteurs comme une atteinte à la démocratie, voire comme un « coup d’Etat ». Depuis des semaines, des manifestations violentes se déroulent dans tout le pays contre le projet de Levin de supprimer le pouvoir de la Cour suprême – et le jour de l’arrivée de Bushmann est à nouveau l’un des points culminants de cette protestation.

On parle déjà de « guerre civile ».

Tout un ensemble de groupes et de partis ont appelé, comme la semaine précédente, à la grève et à des manifestations dans tout le pays, et dès le lundi matin, l’opposition israélienne se mobilise. Parents et écoliers se rassemblent dans de nombreuses villes à huit heures du matin pour une marche de protestation. D’autres manifestants bloquent les routes, les autoroutes et même les domiciles de différents politiciens de la coalition gouvernementale. Le point culminant est une grande manifestation dans l’après-midi devant le bâtiment du Parlement à Jérusalem, à laquelle participent environ 60 000 personnes.

Etat de droit : Le gouvernement veut priver la Cour suprême israélienne de ses pouvoirs - un "coup d

Le gouvernement veut déposséder la Cour suprême israélienne de ses pouvoirs – un « coup d’État », disent les critiques en colère.

(Photo : Anthony Baratier/Wiki Commons)

A l’intérieur de la Knesset, la première lecture d’une partie de la réforme de la justice est à l’ordre du jour ce jour-là. Les débats sont enflammés, le gouvernement et l’opposition s’accusent mutuellement de déclencher une « guerre civile ». Le président israélien Isaac Herzog semble de plus en plus impuissant, lui qui avait déjà mis en garde il y a une semaine contre un « effondrement de la société » et tenté une médiation. Dimanche soir encore, il a insisté dans un discours sur le fait que la crise actuelle du pays pouvait être résolue « dans un laps de temps relativement court ». Mais tous ses appels au dialogue sont restés jusqu’à présent sans effet.

Les politiciens du camp gouvernemental réagissent de plus en plus nerveusement aux critiques extérieures. Jusqu’à présent, cela venait surtout du principal allié à Washington, où le président américain Joe Biden et le ministre des Affaires étrangères Antony Blinken avaient déjà émis des avertissements sur la réforme judiciaire israélienne. Tom Nides, ambassadeur des Etats-Unis en Israël, en a remis une couche lors d’une interview en demandant au Premier ministre Benjamin Netanyahu de « mettre le pied sur le frein » dans ce projet. La réponse a été donnée par le ministre en charge de la diaspora, Amichai Chikli : Nides devrait « s’occuper de ses propres affaires ».

Buschmann affirme que c’est justement en « période de turbulences » qu’une visite est importante

Le fait que le ministre allemand de la Justice Buschmann rende visite au gouvernement israélien a suscité un certain malaise à Berlin. Selon un rapport du Spiegel la ministre fédérale des Affaires étrangères Annalena Baerbock a déconseillé au cabinet d’effectuer des voyages ministériels en Israël, du moins dans la situation actuelle. Il n’existe pas encore de ligne commune au sein du gouvernement fédéral sur la manière d’aborder le nouveau gouvernement de droite en Israël. Le ministre de la Justice Buschmann n’y voit cependant aucune raison de renoncer à ses projets.

Le politicien du FDP a expliqué avant son départ qu’il avait planifié sa visite depuis longtemps, mais qu’il avait dû la reporter à cause de Corona. Avec ce voyage, il souhaite désormais contribuer « au développement de notre partenariat, au renforcement de l’Etat de droit et de la démocratie libérale ». C’est particulièrement important en ces « temps de turbulences que nous vivons ». Interrogé sur la manière dont le juriste constitutionnel libéral Buschmann évalue la transformation prévue de la justice en Israël et la menace de restriction de la séparation démocratique des pouvoirs, le ministère fédéral de la Justice a réagi de manière évasive.

Des « entretiens politiques » sont prévus avec l’homologue israélien Levin et « un échange sur des thèmes politico-juridiques qui sont actuellement discutés en Israël et en Allemagne », a fait savoir lundi un porte-parole. Par ailleurs, on ne veut pas « anticiper » les entretiens prévus pour mardi.