
Comment mettre des mots sur une situation qui ne cesse de s’aggraver ? L’association allemande des hôpitaux (DKG) a lancé à l’automne une campagne visant à attirer l’attention sur la détresse des cliniques. Elle s’intitulait « Alerte rouge ». On y déplorait l’explosion des coûts énergétiques, qui poussait de nombreux établissements au bord de la faillite. L’écho n’a pas été très important. Le ministre de la Santé Karl Lauterbach a fait savoir que l’Etat fédéral interviendrait dans les dépenses d’électricité et de gaz. Dans le même temps, il a laissé entendre que les dépenses globales pour les hôpitaux n’augmenteraient pas en raison de la situation budgétaire tendue. Il est donc logique que l’association des hôpitaux annonce maintenant qu’une vague d’insolvabilité des cliniques se prépare.
Ce pronostic s’appuie sur une étude de l’Institut allemand des hôpitaux, qui est également soutenu par la DKG. Son baromètre des hôpitaux, un sondage annuel, a révélé pour 2022 que seuls six pour cent des cliniques en Allemagne estiment que leur situation économique actuelle est bonne. Seule une clinique sur cinq s’attend à des chiffres noirs pour l’année en cours, et plus de la moitié s’attend à ce que le résultat d’exploitation continue à se dégrader l’année prochaine. Ce sont surtout les grands établissements de plus de 600 lits qui considèrent leur situation comme négative. Les chiffres montrent clairement « que nous avons atteint un niveau plancher », résume un porte-parole de l’association des hôpitaux.
Pour mettre fin à la misère, les paiements compensatoires de l’État fédéral pour les coûts énergétiques plus élevés sont loin d’être suffisants, selon la DKG. Les cliniques doivent encore faire face à de nombreuses autres dépenses qui ont augmenté en raison de l’inflation, en moyenne d’environ dix pour cent. En revanche, les prix des traitements qu’elles peuvent facturer aux caisses d’assurance maladie n’ont augmenté que de deux pour cent. Selon la DKG, ce déficit « entraîne des distorsions économiques qui amènent de plus en plus souvent les hôpitaux à proximité de l’insolvabilité ».
Le déficit structurel des hôpitaux s’élèvera à 15 milliards d’euros en 2023, prévoit Gerald Gaß, président de la Société allemande des hôpitaux.
(Photo : Marcus Brandt/DPA)
Elles frappent les cliniques dans une situation où – après trois ans de pandémie – elles ont perdu beaucoup de leur substance. Le ministre de la Santé Lauterbach a certes annoncé qu’il réformerait le financement des hôpitaux. Mais les cliniques doivent encore facturer sur la base de forfaits par cas, ce qui signifie que plus elles effectuent d’interventions, mieux elles sont rémunérées.
Pendant la pandémie, les hôpitaux ont toutefois pu traiter beaucoup moins de patients, car les politiques leur ont toujours demandé de garder des lits pour accueillir les malades de Corona. Pour cela aussi, le gouvernement fédéral a versé des compensations. Les experts du secteur objectent toutefois que ces paiements n’ont pas suffi à couvrir tous les coûts. Ce sont justement les hôpitaux ayant de nombreux cas de maladie de Corona qui en auraient fait les frais, car le traitement de ces malades était aussi coûteux qu’il nécessitait du personnel.
Il y a de moins en moins de cliniques
Combien d’établissements sont gravement menacés ? La DKG estime que dix à vingt pour cent d’entre elles pourraient être menacées d’insolvabilité en 2023. Le nombre de cliniques diminue de toute façon depuis des années. Selon les données de l’Office fédéral de la statistique, il y avait 1791 hôpitaux généraux en activité dans toute l’Allemagne en 2007, il n’y en aura plus que 1558 en 2020.
Par le passé, les communes et les Länder ont toujours sauvé des établissements de la faillite. Mais leur marge de manœuvre s’est également réduite, l’inflation et la pandémie ont creusé des trous profonds dans leurs budgets. De plus, l’association des hôpitaux soupçonne qu’un assainissement du marché des cliniques pourrait être voulu politiquement : Le nombre d’établissements est élevé en comparaison internationale, quelques faillites auraient l’effet agréable de permettre au gouvernement fédéral et aux Länder de doter les autres établissements de plus d’argent et de personnel.
Le président de la DKG, Gerald Gaß, a critiqué à plusieurs reprises ce « changement structurel à froid ». Laisser le processus se dérouler sans rien faire, c’est mettre en danger les soins dans de nombreuses régions d’Allemagne. Dans le monde des forfaits par cas, ce sont justement les petites cliniques de campagne qui ont du mal à couvrir leurs coûts. Pour la population, elles sont pourtant souvent le dernier point de contact. Les structures ambulatoires qui, selon les plans de Lauterbach, doivent remplacer les traitements hospitaliers dans les cliniques, n’existent plus dans de nombreux endroits.
Le déficit structurel des hôpitaux s’élèvera à 15 milliards d’euros en 2023, prévoit le chef de la DKG, M. Gaß. L’État fédéral doit intervenir. Sinon, toutes les promesses de Lauterbach de retirer la pression économique du système et de redonner à la médecine la priorité sur l’économie seront caduques. La DKG semble encore avoir une lueur d’espoir que les choses se passent autrement : Dans sa déclaration actuelle, elle se contente de dire que la politique a « presque raté le moment » où la vague de faillites des cliniques pourrait être stoppée.