
Selon l’agence de surveillance des frontières Frontex, le nombre de personnes qui tentent d’entrer dans l’UE a fortement augmenté au cours de l’année écoulée. De nombreux responsables politiques européens craignent une nouvelle crise migratoire.
La guerre de la Russie contre l’Ukraine révèle une toute nouvelle facette de l’UE. Quelques jours seulement après le 24 février, les 27 Etats membres se sont mis d’accord pour activer la directive dite « afflux massif » afin de fournir aux personnes déplacées un statut de protection, des soins médicaux ainsi que des possibilités de logement et d’emploi sans bureaucratie.

Matthias Reiche
Studio ARD Bruxelles
« Quelque chose dont on peut être fier »
Des millions de personnes ayant fui l’Ukraine en ont fait usage, a déclaré la commissaire européenne aux affaires intérieures Ylva Johansson en octobre. « 4,3 millions de personnes ont trouvé une protection dans l’UE sur la base de cette directive européenne », a déclaré Mme Johansson. « 670.000 enfants ukrainiens fréquentent les écoles des États membres de l’UE. C’est quelque chose dont on peut être fier ».
En réalité, la situation actuelle est totalement différente de celle de 2015, lorsque 1,5 million de réfugiés syriens fuyant la guerre sont arrivés en Europe. Le responsable des relations extérieures de l’UE, Josep Borrell, n’est pas le seul à critiquer l’existence de deux poids deux mesures dans la politique migratoire européenne et le fait que « les personnes en quête de protection qui sont blondes, aux yeux bleus et chrétiennes sont traitées différemment des musulmans ou des Africains ».
En 2022, un nombre nettement plus important de personnes d’Afrique et d’autres régions du monde tenteront à nouveau d’entrer dans l’UE. Piotr Switalski, porte-parole de l’agence européenne de surveillance des frontières Frontex, explique que « plus de 308 000 entrées irrégulières ont été détectées aux frontières extérieures de l’Union européenne au cours des onze premiers mois de cette année. Cela représente une augmentation de près de 70% par rapport à la même période de l’année précédente et constitue le chiffre le plus élevé depuis 2016 ».
La cohésion de l’UE mise à l’épreuve
La plupart des personnes continuent d’arriver par la Méditerranée orientale et centrale, et surtout par la route des Balkans occidentaux. Presque personne n’est enregistré, a déploré le chancelier autrichien Karl Nehammer, qui parle d’une sorte de « tourisme de l’asile ». Pour lutter contre ce phénomène, l’Autriche a déjà formé une alliance avec la Hongrie.
Ensemble, les deux pays ont fait miroiter à la Serbie des incitations financières pour que les migrants illégaux soient directement rapatriés de Serbie et que le pays ferme sa frontière sud avec le nord de la Macédoine avec plus de personnel et une meilleure technique.
Comme de nombreux migrants arrivent également en Autriche via la Bulgarie et la Roumanie, Vienne a également boycotté en décembre, avec les Pays-Bas, l’admission de ces deux pays dans l’espace Schengen. Ce n’est qu’un exemple parmi d’autres qui montre que la politique migratoire met régulièrement à l’épreuve la cohésion de l’UE.
Plus de responsabilité commune exigée
Face à l’augmentation rapide du nombre d’exilés et à la création constante de nouvelles routes de fuite, les pays situés aux frontières extérieures de l’UE se sentent abandonnés. Ce sont surtout les cinq pays riverains de la Méditerranée, l’Italie, Chypre, Malte, la Grèce et l’Espagne, qui demandent que Bruxelles considère enfin la migration irrégulière comme une responsabilité commune des 27 Etats membres. Les autres Etats de l’UE devraient leur prendre plus de migrants que les 10.000 personnes actuellement promises pour l’année prochaine, sur lesquelles les ministres de l’Intérieur de l’UE s’étaient mis d’accord au printemps.
Pendant ce temps, la Commission européenne tente de maîtriser la situation avec de nouveaux plans d’action. On veut une meilleure coopération avec les pays d’origine, une répartition plus équitable des charges entre les Etats membres, des mesures de protection des frontières plus efficaces et de nouvelles réglementations pour le sauvetage en mer.
« Nous pouvons faire beaucoup de plans d’action », explique la commissaire européenne aux Affaires intérieures Johansson. « Ils sont également importants. Mais sans la mise en œuvre de l’ensemble du paquet migration et asile, nous ne résoudrons pas le problème ». Il faut un cadre général pour la politique de migration et d’asile de l’UE.
La pression migratoire restera élevée en 2023
Un accord conclu en novembre entre la France et la Grande-Bretagne pourrait faire baisser l’immigration clandestine via la Manche. Les chiffres pourraient également baisser sur la route des Balkans occidentaux, étant donné que moins de personnes arrivent en Grèce via la Turquie et que la route vers l’UE via la Serbie devient plus difficile, explique le porte-parole de Frontex Switalski.
« Fin novembre, la Serbie a limité son régime de visas, ce qui devrait réduire le nombre de franchissements illégaux de la frontière dans les mois à venir », poursuit M. Switalski. En raison des évolutions géopolitiques, mais aussi pour des raisons de changement climatique, il faut s’attendre à une forte pression migratoire en 2023 également, a-t-il ajouté.
Le thème de l’immigration et de l’asile restera l’un des plus grands défis auxquels l’Union européenne devra faire face l’année prochaine. Les 9 et 10 février, les chefs d’Etat et de gouvernement de l’UE se réuniront lors d’un sommet extraordinaire pour discuter de la marche à suivre afin de limiter l’immigration illégale.